Les traitements que propose la médecine occidentale sont exclusivement palliatifs, ce qui fait que de nombreuses populations insulaires, notamment dans le Pacifique se tournent volontiers vers la médecine traditionnelle. Aussi, des études ethnobotaniques menées dans le Pacifique ont permis d’établir une liste de près d'une centaine de plantes entrant dans la composition de remèdes traditionnels destinés à traiter la ciguatéra. Ces plantes pourraient contenir des principes actifs qui, non seulement agiraient sur les symptômes, mais encore, pour certains, permettraient au corps humain de se "détoxifier" plus rapidement. C’est en tout cas l’hypothèse qui apparaît à la lumière des témoignages des populations locales et de quelques études in vitro.
Parmi ces remèdes, seul celui à base de feuilles d’Heliotropium foertherianum (Boraginaceae, nom vernaculaire : « faux tabac » en Nouvelle Calédonie et « tahinu » ou tohonu » en Polynésie française) a été étudié jusqu’à l’isolement de son principe actif, l’acide rosmarinique. |
Heliotropium foertherianum ou "faux tabac" . a) arbuste ; b) arbre; c) feuilles; d) fleur et bourgeons. La faux tabac pousse préférentiellement en bord de mer, sur le sable. © D. Laurent, C. Gatti et F. Rossi ___________________________ |
Comment est fabriqué le remède traditionnel à base de "Faux tabac" ou "Tahinu"? En Polynésie française, ce remède contre la ciguatéra est très utilisé, notamment dans les îles où l' offre de soin est limitée. Les îliens, prélèvent entre 5 et 10 feuilles jaunes, qu’ils nettoient et font bouillir dans 1 litre d’eau jusqu’à ce que cette dernière soit réduite à ½ litre. La boisson ainsi obtenue est bue chaude ou froide, en une ou plusieurs prises. Selon la coutume, la consommation de ce remède ne doit pas excéder 3 jours consécutifs. Pour être efficace, le traitement doit être pris le plus rapidement possible après l’intoxication. Notons également que l’efficacité peut varier d’un arbre à l’autre, dans la mesure où ils ne contiennent pas tous les mêmes concentrations en acide rosmarinique. L’activité bénéfique de ce remède a été mise en évidence à travers différentes études pharmacologiques dont un essai in vivo sur souris et divers tests in vitro d’électrophysiologie, de neurophysiologie, de physiologie cellulaire et de neurotoxicité. Lors de ces différents tests, il a été montré que le remède traditionnel contrecarrait l’effet toxique engendré par les ciguatoxines.
L’acide rosmarinique est l’un des produits majoritaires de l’infusion de feuilles d’H. foertherianum. C’est un composé phénolique ne présentant pas de toxicité notable et dont les effets antioxydants et anti-inflammatoires, ainsi que des propriétés sur le système cardiovasculaire et sur les maladies neurodégénératives déjà connues, peuvent être d’un grand intérêt pour le traitement de la ciguatéra. Son caractère « détoxifiant » a été observé sur cultures de cellules de neuroblastomes et par un test de détection ligand-récepteur.
L’acide rosmarinique mais aussi le remède traditionnel à base de feuilles d’ H.foertherianum pourraient donc constituer une alternative de traitement prometteuse pour les intoxications ciguatériques.
Plus d'information sur l'effet protecteur d'H. foertherianum vis à vis des CTXs: Fanny Rossi, Valérie Jullian, Ralph Pawlowiez, Shilpa Kumar-Roiné, Mohamed Haddad, H. Taiana Darius, Nabila Gaertner-Mazouni, Mireille Chinain, Dominique Laurent (2012). Protective effect of Heliotropium foertherianum (Boraginaceae) folk remedy and its active compound, rosmarinic acid, against a Pacific ciguatoxin. Journal of Ethnopharmacology, Volume 143, Issue 1, Pages 33-40, ISSN 0378-8741, https://doi.org/10.1016/j.jep.2012.05.045. ___________________________ |
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