Bien que nous assistons depuis un vingtaine d'années à une expansion géographique significative du phénomène ciguatérigène, la Ciguatéra, qui, rappelons-le est d'origine naturelle, existe très probablement depuis la création des récifs coralliens.

Il semblerait que le premier cas évocateur de Ciguatéra jamais décrit remonte à l’an 650, d’après les observations du médecin et philosophe chinois, CHAN TSANG CHI, à qui l’on doit le premier rapport d'intoxication alimentaire mortelle associée à la consommation d’une Carangue à queue jaune.

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Il faudra attendre le 16ème siècle, et l'époque des grandes navigations, pour que Pietro Martire d’Anghiera, alors chroniqueur à la cour d’Espagne, rapporte les témoignages de Christophe Colomb, Vasco de Gama, Cortez et Magellan, faisant état de mésaventures associées à la consommation de poissons toxiques.

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John Locke, médecin philosophe anglais, observa en 1675, lors d’un séjour dans l’archipel des Bahamas, qu’il pouvait coexister au sein d’un ensemble de poissons de même espèce, des individus toxiques, d’autres non. Il nous offre alors une description particulièrement évocatrice de la Ciguatéra, y abordant même le phénomène de récidives de symptômes suite à l'ingestion nouvelle de poisson, même atoxique:

 
     
  « ...Certains poissons là-bas sont empoisonnés entraînant de sévères douleurs dans les articulations de ceux qui les mangent et aussi des démangeaisons... Ces troubles disparaissent en deux ou trois jours... Dans un lot de poissons de même espèce, taille, forme, et goût, seuls certains spécimens renferment le poison, les autres n'entraînent aucun préjudice chez l'homme... Nous n'avons jamais entendu dire que la maladie fût mortelle, mais pour les chats et les chiens qui consomment ces poissons, c'est souvent le dernier repas... Chez des gens qui ont eu une fois cette maladie, une nouvelle ingestion de poisson, même sain, peut raviver le ferment toxique dans l'organisme et faire réapparaître les douleurs... "  
     
 

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C’est à Fernandez de Queiros que l'on doit le premier rapport de cas de Ciguatéra dans le Pacifique, vers 1606, après une intoxication massive avec un poisson de la famille du Lutjanus bohar  pêché dans les eaux des Nouvelles-hébrides (Vanuatu). On parle alors de poissons "siguatados", dérivé de "Sigua", nom donné à Cuba à un mollusque gastéropode Trochidae, Cittarium pica, responsable d'une affection neurodigestive.

 
 

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Plus tard, en 1774, l’équipage du capitaine James Cook fut intoxiqué à plusieurs reprises aux îles Vanuatu, puis en Nouvelle Calédonie par un Sparus pagrus.

 
 

En 1786, le naturaliste portugais Antonio Parra, fit d’un épisode toxique survenu à la Havane, une description très semblable à l’actuel syndrome ciguatérique (temps d’incubation court, association de syndrome digestif, neurologique, arthralgie et myalgies accompagnées de dysgueusie, asthénie, difficultés à se mouvoir, à respirer, dysesthésies des extrémités, etc.)

 
 

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Concernant la Polynésie française, il faudra attendre 1792 pour que James Morrison, second maître à bord de la « Bounty », offre les premières références relatives à une intoxication évoquant très nettement un épisode ciguatérique aux îles de la Société :

 
     
 

"...Parmi les poissons il existe une espèce de congre de couleur brune avec une bande verte autour des nageoires de la tête à la queue. Elle a de 30 cm à 2 m de long et on la prend sur les récifs. Ces poissons sont empoisonnés pour certaines personnes chez lesquelles ils provoquent des douleurs intolérables alors que sur d’autres ils n’ont aucun effet. Les indigènes ignorent d’ailleurs quels sont ceux qui en seront affectés tant qu’ils n’en ont pas mangé. Ils possèdent un remède pour cet empoisonnement et n’hésitent pas à en courir le risque. Je mangeai un de ces poissons sans en sentir aucun effet, alors qu’un autre devint à peu près fou de douleur, son corps et ses membres enflant considérablement et se couvrant de taches rouges. Il souffrait de démangeaisons intolérables accompagnées d’une sensation de brûlure intense ; ses yeux injectés de sang étaient gonflés et donnaient l’impression d’être prêts à sortir de leurs orbites. Cela dura huit jours avec quelques accalmies mais, la semaine suivante grâce aux prêtres qui lui administrèrent des médicaments, il se rétablit complètement, gardant toutefois des démangeaisons dans la paume des mains et la plante des pieds. Ces poissons sont appelés puhi pirirauti dans l’impossibilité où ils se trouvent de différencier les bons des mauvais ils hésitent à les jeter et se risquent à les manger..."

 
     
 

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Ce n'est qu'en 1976, que l'origine du phénomène fut élucidée par les scientifiques Takeshi Yasumoto et Raymond Bagnis, qui firent le lien entre des épisodes d'intoxication chez les habitants de l'archipel des Gambier (Polynésie française) et la présence d'efflorescences de la micro-algue toxino-productrice Gambierdiscus.

 
 

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Aujourd'hui, le terme "Ciguatéra" désigne à la fois le syndrome clinique associé à l'ingestion de poissons coralliens toxiques ET le phénomène Eco-toxicologique complexe qui en est à l'origine.

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